Myrmécologie
Alex SALAS-LOPES, 28 ans, est jeune chercheur, en 2ème année de thèse à Kourou1. Il étudie l’impact des activités humaines sur la diversité des espèces de fourmis et leurs rôles dans l’environnement.
Il s’intéresse aux insectes depuis son enfance. Après un bac scientifique et 5 ans d’études en Espagne, il devient ingénieur des forêts, chargé de leur exploitation et de leur conservation.
Son intérêt pour l’entomologie ne faiblit pas et il reprend 2 ans d’études en France pour obtenir un Master en écologie. Il décide de faire de sa passion son métier et s’installe en Guyane pour devenir myrmécologue… au paradis des fourmis !
Alex travaille en forêt amazonienne et dans des lieux affectés par la présence de l’Homme (jardins, pelouses…). Il attire toutes les fourmis des environs avec différents types de nourriture : graines, insectes, excréments d’oiseaux…
Ceci lui permet de faire la liste des espèces de fourmis capturées dans chaque type de milieu, d’étudier les préférences alimentaires de chaque espèce et son rôle dans le milieu ou elle vit : agriculteur, prédateur, nettoyeur… Alex repère aussi les endroits où les différentes espèces construisent leurs fourmilières (au sol, dans les palmiers poubelles ou le bois mort…), pour comprendre ce dont elles ont besoin pour le faire (brindilles, feuilles, ombre, soleil…).
Pour identifier les espèces de fourmis capturées, et connaitre le rôle qu’elles jouent dans leur habitat, il repère leurs caractéristiques morphologiques en observant au laboratoire la forme de leurs corps, de leurs mandibules, de leurs têtes, de leurs antennes, de leurs pattes… . Dans la nature, chaque organisme a un rôle précis nécessitant les bons outils: le jaguar a des griffes pour chasser, le paresseux de long bras pour grimper. Les espèces de fourmis ont aussi développé des caractéristiques adaptées à ce qu’elles font et à leur habitat !
Pour comprendre quels rôles jouent les millions d’espèces présentes dans les écosystèmes très riches de la forêt amazonienne, les chercheurs aimeraient bien pouvoir les étudier toutes… Mais, vu leur nombre, ceci est impossible!
Les chercheurs en écologie choisissent donc d’étudier quelques espèces particulières appelées bio-indicateurs. Il faut choisir des organismes présents dans la plupart des habitats, très abondants et ayant une influence remarquable sur les autres organismes. La diversité et l’abondance d’un bio-indicateur permet de comprendre l’état général d’un écosystème.
Lutter dans la poursuite d’une passion est beaucoup plus facile et satisfaisant que de se contenter des choix les plus simples»Les fourmis.
sont d’excellents bio-indicateurs. Sous les tropiques, le poids des fourmis est de quatre fois celui de tous les vertébrés réunis. Les fourmis réalisent de nombreuses fonctions écologiques. La biodiversité est ainsi mesurée par le nombre d’espèces de fourmis présentes dans
chaque habitat, et à l’abondance de chacune. On estime aujourd’hui que plus de 1 000 espèces de fourmis sont présentes en Guyane, reflet d’une incroyable biodiversité. Alex constate que la diversité d’espèces de fourmi en forêt est beaucoup plus élevée qu’en ville. Il observe en forêt bien conservée près de 50 espèces différente sur une surface égale à celle d’un terrain de foot. Les zones perturbées par l’Homme présentent un nombre d’espèces de fourmis bien plus faible : seulement une dizaine d’espèces de fourmis différentes sur la pelouse coupée d’un terrain de foot !
Alex observe aussi en forêt une forte diversité :
- de tailles des fourmis (entre 1 mm et 3cm !) ;
- de leurs formes (fines, dodues, poilues…) ;
- de leurs nids (feuilles, bois mort, sol, arbres, plantes, jardins de fourmis…).
Dans les milieux urbains au contraire, la majorité des fourmis sont petites, et leur nids sont simples et terrestres, voire opportunistes : elles sont capables de nidifier dans toute cavité, comme par exemple une prise électrique ou un trou dans un dans l’écorce d’un arbre.
Mais l’activité et l’abondance des fourmis ne diminuent pas en présence des Hommes : leurs exploitation des ressources alimentaires est
comparable dans les forêts et dans les villes. La même quantité de nourriture est consommée en ville par un plus petit nombre d’espèces de fourmis, chacune plus abondante et active que les nombreuses espèces spécifiques observées en forêt sans impact humain.
Alex constate en effet que les quelques espèces présentes dans les pelouses et plantations sont plus généralistes que les fourmis très spécialisées en forêt qui peuvent choisir ce qu’elles mangent : pour satisfaire leurs besoins avec ce qu’elles trouvent, les fourmis des villes mangent tout et n’importe quoi !
Finalement, l’étude des comportements alimentaires des fourmis montre que même si certaines fourmis sont des ravageurs des cultures
ou peuvent avoir des effets gênants pour les humains, d’autres peuvent être utiles. Comparer différents habitats et les espèces de
fourmis présentes démontre qu’augmenter la couverture végétale, par exemple dans les jardins, entraine la diminution voire la disparition de certaines espèces gênantes pour les humains, telles que les fourmis de feu ou fourmis rouges. D’autres espèces utiles vont occuper leur place. Il s’agit d’espèces présentant parfois des caractéristiques intéressantes, par leur contribution au nettoyage, ou leur comportement de prédateur vis-à-vis de ravageurs des cultures.
OBJECTIFS
- Etudier la diversité des espèces de fourmis et les rôles qu’elles jouent dans leurs habitats, perturbés ou non par la présence de l’Homme.
- Utiliser l’observation des fourmis, bio-indicateurs écologiques, pour estimer l’impact des activités de l’Homme sur la biodiversité et le fonctionnement d’un écosystème.
1 UMR 0746 EcoFoG : Laboratoire de biologie des interactions
Alex SALAS-LOPES – Des fourmis et des Hommes en Guyane – Myrmécologie
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